La crise sanitaire générée par le COVID 19 ne cesse de s’aggraver et l’issue dans un temps rapproché reste incertaine. Nous remercions vivement tous les soignants pour leur engagement sans faille dans cette lutte épuisante.
Représentants de personnes âgées et de leurs familles, nous ne pouvons qu’approuver les mesures prises afin d’endiguer la propagation de l’épidémie. Nous comprenons les difficultés auxquelles sont confrontés les directeurs d’EHPAD comme de services d’aide à domicile et nous remercions ceux qui dans ces circonstances ont fait preuve de compréhension à l’égard des aidants.
Nous mesurons toutefois l’impact des mesures contraintes sur le fonctionnement des établissements comme des services à domicile.
Dans les EHPAD, en raison de l’espace restreint de confinement la contagion a déjà frappé tant les personnels soignants que les résidents. La difficulté générée par l’absence croissante de personnels malades va peser sur l’accompagnement quotidien des résidents.
Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins-urgentistes de France, a tiré la sonnette d'alarme sur le cas de ces milliers de personnes âgées prises en charge dans ce type d’établissements : "on va vers une hécatombe dans les EHPAD. je pèse mes mots. J’ai eu des conversations avec des directrices et des directeurs d'établissements, avec des gériatres ; c 'est bien beau d'avoir dit : On évite que les personnes viennent aux urgences , d' avoir dit:"les personnes âgées on va les confiner" . Je comprends la logique médicale… mais confiner ne veut pas dire abandonner".
D’autant que le personnel soignant des établissements comme les soignants libéraux y intervenant ne disposent pas de masques en quantité suffisante pour se protéger eux-mêmes comme pour protéger les résidents. Des commandes et livraisons massives sont annoncées. On peut regretter vivement une absence d’anticipation.
De la même façon, nous demandons instamment la massification de tests. Cette bataille ne peut être menée avec succès, que si le diagnostic par les tests est massivement développé. Qui est malade ? Qui est porteur ? Qui est sain ? Voilà des questions déterminantes pour une population française de 67 millions d’habitants, dont à l’heure actuelle, nous ne connaissons que les 16 000 cas confirmés. Alors que les tests sont largement pratiqués dans plusieurs pays d’Asie, mais aussi en Allemagne (qui produit encore les réactifs nécessaires), pourquoi ne pas avoir pris ce principe de précaution en étant totalement dépendants de la Chine et des États-Unis pour l’approvisionnement des réactifs indispensables ? (Information France Inter de ce jour)
Quant à faire appel à la réserve sanitaire, celle-ci va être absorbée rapidement par les hôpitaux submergés par la vague.
La restriction totale des visites des familles ajoute aux difficultés. Les aidants proches présents quotidiennement en EHPAD pour 700 000 d’entre eux, assurent le complément d’aide dans l’accomplissement des actes de la vie quotidienne que les soignants ne peuvent accomplir par défaut d’effectifs soignants suffisants (cf rapports Libault et Iborra). Privés de ce soutien matériel et relationnel, les résidents fragilisés par les polypathologies et la perte d’autonomie pourraient décompenser massivement et occasionner une surmortalité aux perspectives déjà très alarmantes.
Les hôpitaux sont contraints de libérer des lits. Mais beaucoup de ceux-ci étaient occupés par des personnes âgées dont le retour à domicile n’est plus possible. Celles qui ne peuvent être orientées en soins de suite sont orientées vers les EHPAD. Ainsi, elles intègrent en urgence des établissements sans préparation ni recherche d’accord préalable et se retrouvent isolées dans un lieu qu’elles ne connaissent pas, sans la présence rassurante de leurs familles (conjoints et enfants).
A domicile, la situation est dramatique. Les aides à domicile, souvent, n’ont pas reçu les instructions utiles pour se bien comporter dans ces circonstances. Dépourvues de moyens de protection, elles vont d’une personne aidée à une autre en ayant pour « seule arme » le respect des gestes barrières. Certaines organisations ont décidé de ne plus faire intervenir leur personnel. Les personnes concernées se retrouvent donc brutalement isolées sans aide.
Pas davantage les intervenants auprès des personnes âgées dans le cadre du CESU ne sont « armés » pour faire face.
A l’heure du bilan, au nombre de décès consécutifs au COVID 19 devra être ajouté celui des décès « collatéraux », conséquences des mesures contraintes prises.
Cette crise fait éclater au grand jour ce que directeurs d’établissements, gestionnaires de services à domicile, soignants, aidants, familles dénonçons depuis de nombreuses années.
Le Président de la République a déclaré « que le jour d’après » tout ne pourrait plus être comme avant.
Nous espérons pouvoir y croire. Tant de fois depuis 15 ans les promesses n’ont pas été tenues. Nous serons vigilants et contribuerons pour que soient enfin mis en œuvre les moyens pour un fonctionnement à la hauteur des enjeux de la filière gériatrique.
Nous vous prions de croire Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre en l’assurance de nos sentiments les meilleurs.