les anciens et leurs proches parlent aux candidats présidentiels et aux parlementaires
Webconference du 1° avril 2022
- Le social doit-il être géré de façon capitaliste et côté en bourse ?
- Comment l’ESS peut accompagner le grand âge ?
Les nombreux rapports produits depuis près de 20 ans sur le traitement du grand âge associés au désintérêt du politique n'ont aucunement contribué à une amélioration des conditions de vie des personnes âgées, tout particulièrement de celles en perte d'autonomie qu'elles soient chez elles ou en établissements. Pire : les conditions se sont dégradées. Le manque de personnels qualifiés est patent. Les Personnels désespérés de ne plus pouvoir exercer leur métier sont en souffrance. Les usagers n'ont d'autre choix que subir. Les comparaisons avec d'autres pays d'Europe noircissent encore plus le tableau.
Les révélations récentes concernant les turpitudes gestionnaires dans certains EHPAD privés lucratifs ne doivent pas agir comme un écran de fumée pour masquer la faillite globale d'un modèle suranné. Les 80 % d'EHPAD publics ou sans but lucratif sont tout autant concernés par des dysfonctionnements structurels où la maltraitance institutionnelle devient systémique. Et la logique gestionnaire du New Public Management qui naufrage déjà l'hôpital participe à la déshumanisation du secteur.
La personne âgée n'est ni un objet médical ni un bien marchand source de profit. L'accompagnement du Grand âge est une affaire d'intérêt général qui engage toute la société. Elle doit relever d'un service public participatif où le recours au privé lucratif n'a pas sa place.
Que ce soit en EHPAD ou dans les Services d'Aide et Accompagnement à Domicile (SAAD et SSIAD), le monde associatif est déjà très présent. La solidarité à développer et le fonctionnement démocratique dont il n'est plus possible de faire l'économie devraient tout naturellement orienter l'accompagnement du grand âge vers l'adoption des règles de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS), voire les généraliser.
L'ESS : un modèle économique idéal pour accompagner le grand âge
L'économie solidaire a une vieille histoire qui commence en 1830. Le statut de coopérative qui nait en 1895 et la loi de 1901 sur la liberté d'association encadrent l'économie solidaire dont l'activité est peu visible jusqu'à la création en 1981 d'une délégation interministérielle à l'économie sociale. Un secrétariat d'état à l'ESS apparaît en 2000. Une charte Européenne est publiée en 2001. Depuis 2014, l'ESS est encadrée par la loi du 31 juillet relative à l'ESS (loi Hamon). Elle représente aujourd'hui près de 13% de l’emploi et 10% du PIB en France.
L’ESS est un modèle économique au fonctionnement collectif et à la gouvernance démocratique. Orienté par une éthique qui place l’homme plutôt que le profit au centre de son fonctionnement, ce type d'économie constitue un tiers secteur, entre le public et le privé. Son objectif premier n'est pas tant lucratif que guidé par un projet social, ou environnemental.
Les valeurs clés de l'Économie Sociale et Solidaire : un humanisme d'évidence :
• une finalité orientée vers l’intérêt général ou collectif ;
• une gouvernance démocratique basée sur le principe "une personne, une voix" ;
• une lucrativité limitée ;
• une primauté de la personne humaine sur le capital ;
• un ancrage territorial fort ;
• un esprit de libre adhésion.
Avec un cadre juridique qui impose des limites
La loi relative à l’ESS du 31 juillet 2014 (loi Hamon) définit l'ESS comme "un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé" qui remplissent les conditions suivantes :
1. un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;
2. une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l’information et la participation, dont l’expression n’est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur contribution financière, des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise ;
3. une gestion conforme à deux principes : les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise et les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées.
Une diversité des formes juridiques de l'ESS
Les EHPAD et Structures d'Aide À Domicile (SAAD et SSIAD) doivent trouver leur place dans l'ESS. Son histoire est en effet marquée par une grande diversité de statuts. Ces statuts sont eux-mêmes représentatifs de la variété des activités qui la composent : associations locales ou internationales, mutuelles à but non lucratif, fondations de personnes ou d’entreprises, entreprises commerciales déclarées comme Entreprises Solidaires d'Utilité Sociale (ESUS), coopératives, Scop (société coopérative et participative) et les Scic (sociétés coopératives d’intérêt collectif).
Au-delà de leurs statuts juridiques variés, la taille des entreprises de l'ESS est également très variable. Certaines relèvent d’initiatives fortement ancrées dans le local tandis que d’autres comme Emmaüs par exemple comptent des milliers de salariés,
La SCIC, un choix efficace et vertueux pour accompagner le grand âge.
Les sociétés à mission axées sur des opportunités de financements publics et d'avantages fiscaux sont hors de notre champ d'intérêt.
A côté des traditionnelles Scop, les Scic ont vu le jour en 2001. Contrairement aux Scop, leur statut permet d’associer différents types de parties prenantes à la gouvernance. Proches des anciennes société d'économie mixte ces sociétés sont fortement ancrées dans le territoire. Leur sociétariat doit être multiple. Il associe obligatoirement autour d'un projet des acteurs salariés, des acteurs bénéficiaires (résidents en EHPAD) et des contributeurs pour produire des biens ou des services d'intérêt collectif au profit d'un territoire ou d'une filière d'activités (Etat, collectivités locales). C'est le modèle adopté par la commune de Cerizay (79140) pour faire échec au rachat d'un l'EHPAD par un groupe privé coté en bourse.
Des instances d'auto-contrôles
Avec la loi du 31 juillet 2014, l’encadrement public de l'ESS s’axe autour du ministère de l’écologie. Plusieurs instances régulatrices se coordonnent pour former un ensemble dont le contrôle externe pourrait être allégé :
• un haut-commissaire à l’Économie Sociale et Solidaire et à l’innovation sociale,
• le Conseil supérieur de l’Économie Sociale et Solidaire (CSESS),
• la Chambre française de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS France) ;
• le Conseil national des chambres régionales de l’Économie Sociale et Solidaire (CNCRESS) est chargé de promouvoir et représenter les chambres régionales de l’ESS (CRESS), qui fédèrent elles-mêmes localement les acteurs de l'ESS.
En résumé :
Le modèle actuel d'accompagnement du grand âge est dépassé. Il doit faire place à un nouveau paradigme adapté au temps d'aujourd'hui. Cela suppose la collaboration codifiée et confiante d'acteurs qui exercent de plein droit leur citoyenneté quel que soit leur âge. Les règles édictées par la loi du 2 janvier 2002 et du décret de 2004 doivent être revues. Système participatif par construction, l'alternative ESS permet structurellement la collaboration permanente des parties ce qui réduit les dysfonctionnements.
L'ESS est irremplaçable pour rassembler dans un même projet : usagers, personnels médicaux sociaux, institutions et collectivités publiques pour le bien être des personnes âgées.
Jean-Louis GENEST