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les anciens et leurs proches parlent aux candidats présidentiels et aux parlementaires

Webconférence du 1° avril 2022 

 - Quelles sont les évolutions souhaitées pour les EHPAD ?

 - Le statut d’établissement « non lucratif » protège-t-il des dérives dénoncées par l’affaire ORPEA ?

Aurions-nous trouvé le « coupable idéal » à travers les groupes cotés en bourse, gestionnaires et propriétaires d’Ehpad exonérant les gouvernements successifs des carences de financement publics en faveur du grand âge ? 

Les Ehpad non lucratifs privés associatifs et publics (hospitaliers et territoriaux) sont-ils des gages de bientraitance ?

1°) Les conditions actuelles :
 

Rappel des politiques du grand âge en Europe

Selon le rapport Libault, la France dispose d’un des plus fort taux de personnes âgées de + de 85 ans institutionnalisée (21%) contre 8 % en Finlande et en Espagne et 11 % au Danemark.
A contrario la part du PIB consacrée à la perte d’autonomie est parmi les plus faible d’Europe : 1,7 % pour la France contre 3,7 % au Pays Bas, 3,2 % en Suède, 2,5 % au Danemark.

Cet effet de ciseau de faiblesse de financement public et de forte institutionnalisation se retrouve dans les taux d’encadrement en EHPAD qui plafonnent à 62 salariés (tous secteurs confondus) pour 100 résidents en France quand ils sont de 100 pour 100 au Danemark et de 120 salariés pour 100 résidents en Allemagne.

Pour rappel, les préconisations de D Libault étaient de porter en 2024 ce taux à 80 salariés pour 100 résidents, soit un rattrapage qui resterait toutefois inférieur aux autres pays riches de l’Europe.
 

La structure juridique des EHPAD

Même si le secteur commercial est en forte croissance ces 10 dernières années, il reste, avec 22 % des établissements, bien inférieur au secteur non lucratif qui réunit 79 % des Ehpad (50 % pour le public et 29 % pour le privé non lucratif.)

La gouvernance des EHPAD

Les Ehpad publics hospitaliers sont gérés par un conseil de surveillance propre aux établissements publics de santé et présidé par le Maire. L’ARS a la prérogative de nommer le Directeur ce qui lui confère un rôle de tutelle.
Dans les autres EHPAD, le conseil d’administration recrute le Directeur ce qui lui permet une relative autonomie à l’égard des autorités de contrôle et de tarification (ATC) . Celle-ci est toutefois diminuée dans le cadre d’une habilitation partielle ou totale à l’aide sociale.     Le Département fixe alors un tarif hébergement plafond et assure le contrôle des postes de dépenses de la section hébergement.

Pour tous les autres établissements non habilités à l’aide sociale (principalement associatifs et commerciaux) les tarifs sont libres (avec respect des taux d’augmentation annuel de la DGCCRF) sans contrôle de la section hébergement. Une partie du scandale des Ehpad commerciaux dénoncés récemment réside dans cette absence de transparence au nom du secret des affaires à laquelle les gouvernement successifs n’ont jamais voulu déroger en dépit des dotations de financement public versés au budget global de l’établissement (section dépendance et soins).

La maltraitance en EHPAD :

Si globalement la part de 25 % des signalements pour maltraitance en établissement enregistrés par la plateforme 3977 reste bien inférieure au domicile, celle-ci a fait face à un flux de signalement 2 à 3 fois supérieur dans les semaines qui ont suivi la publication du livre de V Castanet. Toutefois cette hausse touche tous les secteurs des Ehpad indifféremment de leur statut.

Nous pouvons en conclure que cette parole libérée est la conséquence d’une maltraitance systémique alliée à des carences de recrutement en personnels soignants qualifiés qui fuient le secteur.

L’attractivité des métiers en gérontologie ne peut plus faire aujourd’hui l’économie du financement des effectifs hier promises et maintes fois abandonnées. Il s’agit bien d’une maltraitance systémique par sous-financement des dotations publiques.

L’ouvrage « les fossoyeurs » a révélé de plus un système industrialisé de réduction des coûts à l’extrême dont il faudrait s’assurer que les Ehpad associatifs et publics en soient exempts du fait de la pression qu’ils subissent de la part des ACT qui ont la main sur les budgets.

Autre effet de ciseau, là où on paye le plus cher (Ehpad commerciaux), on rencontre les plus faibles taux d’encadrement (0,57 pour le secteur commercial, 0,60 pour le secteur associatif, 0,66 pour le public hospitalier et 0,69 pour le public territorial). Les groupes cotés en bourse n’ont en effet pas compensé la faiblesse des dotations par des recrutements sur la section hébergement, l’optimisation des bénéfices d’exploitation et du versement des dividendes étant la seule boussole…

Quelle régulation par l’offre ?

Chaque établissement doit effectuer tous les 7 ans une évaluation externe de la qualité basée sur les recommandations de bonnes pratiques publiées par la Haute Autorité de la Santé. Celles-ci garantissent une bonne qualité des soins et la primauté du lieu de vie des EHPAD comme le respect des droits des résidents. La réforme en cours qui prévoit de ramener l’échéance à 5 ans et de rendre publique les rapports sur la plateforme gouvernementale « Pour les personnes âgées » adossés aux tarifs ne prévoit toutefois pas d’abolir le conflit d’intérêt entre les organismes évaluateurs et les EHPAD, conflit dénoncé par la FNAPAEF, l’IGAS et la DGCS lors de la mission flash des Députés Ibora et Fiat en 2017.

Aujourd’hui aucun indicateur objectif de la qualité n’est communiqué en amont de la signature du contrat de séjour. La Ministre a proposé de remédier à cette carence lors des mesures post affaire Orpéa en rendant public 10 indicateurs dont le taux d’encadrement.

Avec une durée moyenne de séjour de 2,5 ans pour un tarif hébergement moyen de 2000 euros, la dépense s’élève à plus de 50 000 euros. Accepterions-nous aujourd’hui de signer l’achat d’une maison à la campagne pour ce prix sans avoir connaissance de tous les diagnostics ?

Cette régulation par l’offre pourrait sensiblement réduire l’écart entre les promesses faites lors de la visite d’admission et la déconvenue dès les premiers jours.

La situation dans les groupes d’Ehpad non lucratifs :

Les établissements non lucratifs se distinguent par l’absence de profits redistribués aux administrateurs bénévoles, ce qui n’exclut pas les bénéfices d’exploitation.

Avant la réforme des EHPAD et le contrôle plus stricte de la section de soins, les maisons de retraite et foyers logements associatifs avec section de cure médicale ont pu constituer des réserves sur les crédits non utilisés d’assurance maladie. Ces réserves ont pu contribuer, pour certains groupes, à créer leur propre parc immobilier. Aujourd’hui les excédents des section de soins et dépendance sont repris en année N+2 et parfois pas réclamés par les ACT (cf. scandale Orpéa non-recrutement d’AS, etc..).

Afin de faciliter les négociations des conventions tripartites et désormais les CPOM (Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens), les ACT ont incité les établissements à se regrouper. Il est désormais très fréquent de trouver des directeurs cumulant 2 ou 3 établissements, ce qui contribue à les éloigner du contact avec les équipes, les résidents et les familles.

Dans les groupes privés de taille importante qu’ils soient associatifs ou commerciaux, ce sont les Directions Générales ou territoriales qui négocient directement les CPOM. Le directeur d’établissement se retrouve bien souvent dépossédé de son budget et relégué à un rôle d’exécutant. Cette attitude est accentuée encore par les très nombreuses procédures internes visant à « harmoniser les pratiques » que ce soit en Ressources Humaines, restauration, communication, etc. Les groupes associatifs n’échappent pas à cette règle en négociant des contrats de groupe au motif d’économies d’échelles. Ainsi, il sera très difficile d’agir sur la qualité de la prestation de restauration lorsque celle-ci est négociée au niveau du groupe.

On observe, dans les groupes associatifs, un gonflement des fonctions supports des directions générales qui recrutent facilement des chargés de mission et cadres en centralisant les modes de gestion (qualité, finances, GRH, maintenance, etc.) avec pour conséquence une hausse importante des « frais de siège » qui, pour les établissement non habilités à l’aide sociale, n’est pas encadrée par les ACT.

Et dans les établissements publics hospitaliers :

La loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire), soutenue par Roselyne Bachelot alors ministre de la Santé en 2008, a profondément réformé les valeurs du service public hospitalier. L’établissement hospitalier doit désormais s’organiser sur les valeurs de la libre entreprise. Concentration, gains de performances et d’efficience doivent se traduire par des fusions, des rapprochements entre établissements. Pour optimiser la gouvernance, on y applique le New Public Management (cf. fiche a1) avec pour conséquence la déshumanisation des modes de management.
Par ricochet, cette logique managériale copiée sur le monde de l’entreprise a pu gagner les grands groupes du secteur associatif.

2°) Les évolutions souhaitées :

Pour faire face à ce constat qui a mobilisé une bonne dizaine de rapports et nombre d’heures d’auditions parlementaires auxquels la FNAPAEF a activement participé, notre Fédération souhaite :

 

- Que le renforcement des effectifs soignants décrits dans les rapports Ibora – Libault soit un préalable avant la généralisation des contrôles à tous les EHPAD décidé dernièrement.

 

- Que ces contrôles soient organisés à partir d’une autorité administrative indépendante afin d’éviter que les ARS soient juge et parti, considérant la maltraitance systémique comme prioritaire. La HAS, garante des recommandations de bonnes pratiques, semble la bonne échelle pour rassembler un corps d’inspecteurs et d’évaluateurs indépendants.

 

- Que le renforcement de la démocratie médicosociale par les CVS ne puisse se faire sans une réforme ambitieuse par un décret levant les nombreuses ambiguïtés. Une réflexion permettant de faire évoluer l’instance consultative vers une instance contributive de la gouvernance doit pouvoir aussi être engagée. Ce décret en cours d’élaboration doit pouvoir être publié avant la fin de ce gouvernement, la FNAPAEF attend y retrouver ses propositions très concrètes.

 

- Que le choix des 10 indicateurs qualité pour une meilleure transparence des EHPAD, récemment communiqués par le Ministère, fasse l’objet d’une concertation. Le respect des droits et libertés des résidents, le pourcentage de faisant fonction d’aide-soignant, le mode de gestion de la restauration ou les engagements en matière de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) nous semblent tout aussi pertinents.

 

- Que soit dérogé au secret des affaires, la communication aux ACT des comptes de la section hébergement de tous les Ehpad privés et publics non habilités à l’aide sociale.

 

- Que soit renforcé la responsabilisation des directeurs d’établissements en matière de gestion financière et humaine, identifiés comme facteurs de bientraitance dans le récent rapport de la cour des comptes. Pour ce faire une large concertation sur la simplification des normes et procédures doit être engagée avec les organisations professionnelles et les fédérations d’usagers.

 

- Que les frais de siège doivent être encadrés dans tous les groupes privés.

 

Références :

  • Les taux d’encadrement en EHPAD Rapport de la DREES Décembre 2020

  • Rapport de Dominique Libault « concertation grand âge et autonomie » Mars 2019

  • 39-77 allo maltraitance. Communiqué de presse du 22 Février 2022

  • FNAPAEF mission flash Ibora 2017

  • Enquête DREES 2015

 

 

Pascal Le Bihanic

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